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Thierry Calvat : « être présent quand on a besoin de moi ».

Sociologue, co-fondateur du Cercle Vulnérabilités et Société et dirigeant de l’association Juris Santé, Thierry Calvat s’engage pour la construction d’une société dans laquelle le potentiel de la vulnérabilité serait pleinement exploité. Force de proposition et observateur du monde qui l’entoure, il sait déceler les enjeux cruciaux pour la construction d’un avenir commun favorable à tous.

 

Un parcours marqué par l’altérité

Après ses études de sociologie, matière ayant déjà pour propre de s’intéresser à l’autre et à l’organisation de la société dans sa globalité, il s’oriente, comme beaucoup de sociologues à l’époque, vers la communication. Il commence alors sa carrière en s’occupant de projets à fort impact environnemental. Il participe notamment aux premières concertations publiques sur la ligne à grand vitesse méditerranée. Il est alors à l’époque acteur de démarches de co-construction dans les décisions publiques. 

Il est dès le départ très porté sur les façons de faire ensemble et essaye de comprendre au mieux l’autre et comment tirer tout le potentiel de la coopération comme porteuse de progrès. Il s’oriente en 2001 vers le sujet des proches aidants, par un des hasards dont la vie a le secret et y trouve tout à fait son compte. Il s’occupe alors, selon ses mots, d’un « autre versant de l’altérité ». Il rejoint alors Novartis dans le cadre d’un territoire de recherche et action mené par plusieurs communautés scientifiques sur la relation entre aidant et aidé. Le sociologue est alors à l’origine de travaux concernant plus de 40 sujets sur la thématique et a même participé à la création de la journée nationale des aidants, aujourd’hui très médiatisée !

 

Permettre à la vulnérabilité d’exprimer sa force

Vulnérable : « qui peut être blessé »

En 2018 il crée, avec la collaboration de Edouard de Hennezel et Tanguy Chatel, un think and do tank, le Cercle Vulnérabilités et Société qui propose d’étudier comment la vulnérabilité peut devenir un levier de développement économique et social. Mais alors, pourquoi la vulnérabilité ? Lorsqu’on lui pose la question, Thierry nous renvoie directement à l’étymologie latine du mot qui désigne la capacité à être blessé. Ainsi, nous sommes tous vulnérables. Le sociologue explique que pendant une période, lorsque l’on tapait « la vulnérabilité est » dans un moteur de recherche, le premier résultat sortant pour compléter la phrase était « une force ». 

Selon lui, cette capacité à être blessé détient un potentiel pour toute la société, mais il n’est malheureusement pas exploité à sa juste valeur. Il part du postulat qu’il n’y aurait pas de société si la vulnérabilité n’existait pas. Elle est en effet à l’origine de chaque point de croissance du PIB. L’économie dépend des besoins des consommateurs, et ces mêmes besoins sont créés par la vulnérabilité. Le collectif de travail a par exemple longtemps été porté par une représentation du bien portant, et on ne parvient aujourd’hui pas à voir que le collectif de travail se construit sur la vulnérabilité normée.

Le think and do tank se fixe pour objectif de raisonner de manière réaliste, en prenant en compte tous les pans de la société et en évitant toute déconnexion avec le concret. Il est nécessaire de favoriser l’inclusion des personnes handicapées et de changer le regard porté sur elles ; oui bien sûr, mais comment le faire dans ce contexte actuel de post-pandémie et de guerre en Europe, marqué par une inflation spectaculaire ? Le cercle a donc toujours à cœur de prendre en compte la dimension physique du monde.

Thierry ne réfléchit pas seulement mais il agit, et surtout, il agit grâce à des solutions valables à un instant T pour un contexte particulier. 

 

Être présent là où il le faut

Engagement : « action de mettre en gage, de lier par une convention, un contrat »

Lorsqu’on lui pose la question de s’il est une personne engagée, Thierry, toujours modeste et précis sur les mots, nous renvoie encore une fois à la racine du terme : l’engagement définit l’action de mettre en gage. Se sentir engagé serait donc se sentir en dette. Il nous explique alors qu’il se sent effectivement en dette, parce qu’il a eu la chance de naître dans un pays qui permet à chacun de s’instruire et d’accéder aux soins, mais aussi parce qu’il a eu de la chance par rapport à d’autres. 

Son engagement ne lui a pas collé au corps depuis son plus jeune âge mais il s’est développé silencieusement, au fil des années. Il n’a pas eu besoin d’être retentissant et bruyant pour savoir se faire entendre. De ce fait, il n’a pas décidé de créer d’association avec des ambitions de conquête mais a toujours essayé de se rendre utile pour les autres, lorsqu’il le fallait. 

Son engagement sur le thème des proches aidants, qui date donc de 2001, est concrétisé aujourd’hui dans son travail pour le Cercle vulnérabilités et société, en collaboration avec AG2R LA MONDIALE, sur les problématiques liées à l’emploi et plus précisément aux compétences développées par les aidants. Il aide, en effet, à la supervision de la pépinière Aidance Compétences et Emploi, qui a pour objectif de faire prendre conscience aux aidants des compétences qu’ils développent à travers leur rôle et leur permettre ainsi de les valoriser auprès des entreprises. Ces compétences sont par exemple celles de l’auto-organisation ou la capacité à résoudre des problèmes complexes puisqu’ils sont amenés à gérer tout l’aspect logistique de la maladie de leur proche. 

Le sociologue a aussi permis la création du Prix Entreprise & Salariés Aidants en 2016, qui récompense les entreprises pour leurs bonnes pratiques envers leurs collaborateurs se trouvant dans une situation d’aidance, et qui pousse de fait de plus en plus d’entreprises à les adopter, par un principe de mimétisme. Une plateforme téléphonique de coaching a aussi été créée, en collaboration avec le Réseau Boost, pour venir en aide aux aidants qui, avant le covid, pouvaient trouver des ressources ailleurs mais pour qui la situation s’est dégradée à partir de mars 2020. Il a aussi intégré le comité d’éthique de France Alzheimer en 2018, action qui s’inscrit dans sa volonté d’être présent là où il le faut. 

Thierry apporte aussi actuellement son expertise pour le programme Solidaires des aidants, créé sur une idée des Activités sociales d’AG2R LA MONDIALE, et qui permet à chacun de se mobiliser pour apporter quelques précieuses minutes pour souffler à des voisins ou des collègues proches aidants. Le sociologue, qui décide encore une fois d’être présent là où on l’appelle, a aussi réalisé, pour le Groupe, des vidéos de présentation des enjeux concernant les aidants en entreprises.

Pour Thierry, un seul mantra est à appliquer : « être là quand on a besoin de nous ». Un exemple de l’application de ce principe est celui de Juris Santé : sa présidente arrivant en fin de parcours, elle a décidé de passer la main et lui a proposé de reprendre le flambeau, ce qu’il a fait bien volontiers.

Ainsi, le sociologue nous montre un autre moyen de s’engager, celui qui pourrait convenir à un monsieur tout-le-monde ne pensant pas être à la hauteur : lui proposer d’être là quand on a besoin de lui, ni plus, ni moins.

Écrit par Sarah Carraud de AG2R LA MONDIALE