"

Claudie Kulak a quasiment toujours été aidante, avant même de connaître le sens du terme, comme beaucoup de français aujourd’hui. C’est en 2011 qu’elle a le déclic, alors que, dépassée par sa situation, on lui rétorque « bienvenue chez les aidants ». Elle participe alors à des groupes de parole et rencontre des femmes qui vivent la même situation qu’elle et qui, elles aussi, se sentent dépassées et surmenées. C’est alors que Claudie décide de se consacrer au sujet.

Claudie Kulak est aujourd’hui mariée et mère de 2 enfants, mais elle a aussi et surtout été aidante pendant la majeure partie de sa vie. Alors qu’elle commence à fatiguer, elle se rend compte qu’elle n’est pas la seule à endosser ce rôle et à rencontrer certaines problématiques. Elle décide alors de s’impliquer entièrement dans la cause en assistant à de nombreuses conférences, en rencontrant des acteurs : elle « ne loupe rien » ! Elle se met alors à écrire son projet, qu’elle soumet au premier forum de l’ESS des Hauts-de-Seine et dont elle est lauréate en 2011. C’est en 2012 qu’est lancée La Compagnie des aidants, formée comme un réseau social d’entraide et d’échange, proposant aujourd’hui des formations gratuites sur les gestes à connaître lorsque l’on se retrouve dans la situation de proche aidant. Elle se fédère par la suite avec plusieurs associations et fonde le Collectif Je T’aide, qu’elle préside pendant 5 ans.

En 2018, la Compagnie des aidants lance La caravane tous aidants, qui sillonne la France et s’installe sur les places publiques avec pour objectifs de donner de la visibilité au sujet et d’aller à la rencontre des premiers concernés. Elle mobilise des assistantes sociales, invite des structures en lien avec les thématiques abordées et organise des temps d’échanges. Claudie cherche à articuler une véritable offre visant à soulager les aidants de leur charge. La plateforme Ma boussole aidants, impulsée en 2017 à l’initiative de l’Agirc-Arrco, vise notamment à regrouper toutes les solutions adaptées aux aidants et, ainsi, à en faciliter l’identification par une recherche assistée. 

Un autre sujet essentiel concernant les proches aidants est celui de la formation dont ils disposent, ou plus précisément, dont ils ne disposent pas… Bien souvent, les aidants se retrouvent dans cette situation du jour au lendemain, sans avoir été formés au préalable à certains gestes et savoir-faire pourtant essentiels à connaître. C’est le constat que Claudie fait elle-même dans sa vie personnelle lorsque arrive le moment du coucher de sa tante en perte d’autonomie : ni elle ni son mari ne savaient comment s’y prendre ! Les aidants peuvent se retrouver dans des situations où ils se mettent en danger ou bien où ils mettent leur proche en danger. La compagnie des aidants décide donc, en 2015, de créer un volet de formation, entièrement gratuite, afin de permettre l’accès à ces informations cruciales. Le projet est lauréat La France S’engage, ce qui lui permet d’obtenir un accompagnement sur 3 ans et de mieux se structurer. Un fonds européen a permis la construction de la première version de la plateforme de formation. Certains sujets abordés concernent des thématiques très axées santé alors que d’autres se concentrent sur les aidants eux-mêmes et leur besoin de répit par exemple.

 

Porter un projet politique

Selon Claudie, il est nécessaire d’accéder à une certaine force politique afin de porter le sujet des aidants dans les instances gouvernementales. En effet, l’ensemble de la société devrait prendre celui-ci en compte afin que des solutions, des services ou encore des droits soient garantis à ceux qui accompagnent un proche. Elle est nommée en 2020 au Conseil économique, social et environnemental, et cherche à faire avancer le sujet des aidants dans le monde économique. Son objectif principal est celui de rendre la conciliation entre les temps de travail et d’aidance la plus harmonieuse possible afin qu’aucune femme ou aucun homme ne soit contraint(e) d’arrêter de travailler. De nombreux aidants sont, en effet aujourd’hui, en situation de précarité car ils ont dû arrêter leur activité afin de se consacrer à leur proche. Ce fut son cas pendant longtemps, puisqu’elle ne travaillait, par exemple, pas le mardi pour pouvoir s’occuper de sa tante. Lassée de s’entendre dire qu’elle « en fait trop » lorsqu’elle évoque les difficultés rencontrées par les aidants, elle écrit, en 2021, Les aidants, Ces proches indispensables du quotidien. Le livre s’adresse à tous, et elle y prodigue des conseils, y donne des adresses utiles, et y joint des témoignages afin de montrer le véritable quotidien des proches aidants. L’année dernière, Claudie est nommée au conseil de la Caisse Nationale de Solidarité pour L’autonomie et travaille sur la 5ème branche de la Sécurité sociale, créée en 2020.

Aujourd’hui, elle se félicite pour l’avancée réalisée sur la vision des aidants : « il y a 10 ans, les gens me demandaient comment s’écrivait le mot aidant, alors qu’aujourd’hui de nombreuses personnes se reconnaissent en tant que tel ». 

 

Les sujets d’actualité pour les aidants ?

Aujourd’hui, le monde des aidants est traversé par certaines thématiques fondamentales. En premier lieu, la retraite s’avère être un sujet particulièrement d’actualité et toucher particulièrement les aidants. Bien souvent, un aidant doit mettre de côté son activité professionnelle afin de s’occuper de son proche à plein temps, et ne pourra alors pas cotiser pour son départ à la retraite. Claudie tient à rappeler que l’humanité comporte ses forces et ses faiblesses, que n’importe qui peut traverser une période difficile, et que la société dans son ensemble doit être solidaire. D’autre part, elle regrette le manque de prévention face à la perte d’autonomie et envisage la possible mise en place d’une cotisation dédiée. Elle aimerait aussi que des grandes campagnes de sensibilisation voient le jour et que tous les acteurs en contact avec les aidants soient formés au sujet. C’est une situation stressante, qui isole, qui crée des angoisses… Elle constate aussi l’éloignement de plus en plus fréquent des jeunes retraités précaires, qui préfèrent le loyer faible de la campagne mais qui se retrouvent alors souvent dans des déserts médicaux et isolés… 

Le répit est aussi un sujet primordial dans le champ de l’aidance : pour que les aidants tiennent sur le long terme, les temps de pause sont absolument nécessaires, sous toutes les formes possibles et à adapter selon les profils. Et la Caravane tous aidants n’a pas manqué de valoriser le programme Solidaires des aidants, porté par un consortium de partenaires de la Direction des Activités sociales d’AG2R LA MONDIALE, afin d’offrir, grâce aux solidarités de voisinage, quelques minutes de répit par jour aux aidants. 

Enfin, la situation d’aidance permet de développer certaines compétences, qui peuvent aujourd’hui être reconnues et valorisées par la validation des acquis d’expérience, ou, plus simplement, la certification de blocs de compétences. C’est une grande avancée pour les droits des aidants, qu’ilssouhaitent ou non se tourner vers les métiers du soin à la personne. Ils développent en effet, dans la relation d’aidance, de nombreuses compétences « douces » très recherchées dans le monde du travail pour de nombreux emplois. Celles-ci devraient pouvoir être mises en avant et reconnues par les entreprises, et c’est pourquoi les Activités sociales d’AG2R LA MONDIALE ont créé et animent la Pépinière des savoirs expérientiels

 

Une lueur d’espoir pour la suite

Malgré la fatigue et la volonté d’arrêter parfois, Claudie entrevoit un futur positif pour les aidants. Le sujet est en effet de plus en plus mis en lumière et les nombreuses parties prenantes s’organisent entre elles pour répondre aux besoins identifiés. Les groupes de protection sociale s’organisent pour proposer de nombreuses offres de service et sont de plus en plus sollicités pour que le sujet soit adressé dans le monde de l’entreprise. Les associations prennent, quant à elles, en charge les sujets passant entre les mailles du filet des politiques publiques. Tous ces acteurs constituent ainsi une sorte de « gilet de sauvetage » pour les aidants, qui ont eux-mêmes souvent besoin d’aide, mais ne le savent pas toujours, ou ne veulent parfois pas le savoir car ils estiment que ce qu’ils font est normal… Et la priorité des priorités reste de leur faire prendre conscience qu’il est possible de mieux vivre leur rôle d’aidant, pour les aidés comme pour eux ! 

Écrit par Sarah Carraud de AG2R LA MONDIALE