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Déploiement : de quoi on parle ?

On peut définir le déploiement comme l’ensemble des étapes qui permettent de déterminer comment s’adapter à un nouveau territoire, quelle complémentarité peut avoir notre structure avec l’écosystème existant, notamment afin de ne pas s’inscrire en faux.

Points de départ 

PaQ’la Lune

L’association a commencé avec des étudiants qui voulaient se lancer dans le spectacle vivant, afin que celui-ci puisse servir aux habitants des QPV, en parlant notamment que les expériences artistiques pouvaient permettre de changer son rapport à soi. À PaQ’la Lune, cela se matérialise par exemple par des brigades de lecture, avec des comédiens qui “débarquent” dans les classes et proposent aux élèves des séances de lecture à voix haute.

Télémaque

L’association a été créée à la suite d’un fait divers ayant eu lieu dans les années 2000, au cours duquel une jeune collégienne avait été bousculée à la sortie des cours à cause de ses bons résultats scolaires. Cet évènement avait alors interpellé les PDG de différentes entreprises, sur le constat qu’il n’existait pas de solution pour les jeunes avec des résultats moyens/bons/très bons qui leur donnerait envie de persévérer dans leurs efforts. De là naquit Télémaque, qui s’adresse à des jeunes dans des situations sociales assimilées à boursier. Son activité s’est d’abord concentrée sur l’Ile-de-France et les milieux urbains, avant d’essaimer en AURA, Hauts-de-France, …

Comment remontent les besoins des élus, quel est leur point de vue sur l’implantation locale ?

Les conseils de développement (des instances regroupant l’ensemble des parties prenantes d’un territoire) sont des lieux où émergent beaucoup de problématiques communes, et les prendre en considération dans une stratégie d’essaimage est tout à fait pertinent. S’y impliquer peut notamment être un bon moyen de faire se connaître, et de s’assurer que notre présence sera pertinente. Attention cependant, car le terme de déploiement n’est pas une sémantique à laquelle les élus sont habitués, et ceux-ci peuvent vite se braquer, surtout s’ils ont l’impression qu’on essaye de leur vendre quelque chose dont ils n’ont pas  besoin. D’autant que ces derniers sont très sensibles à l’aspect local, et auront tendance à privilégier les initiatives déjà présentes sur leur territoire. 

Les PETR (pôles d’équilibre territorial et rural) proposent des services d’ingénierie, et leurs équipes accompagnent ceux qui en font la demande dans leur développement local.

Enfin, les projets de territoire sont des documents qu’il peut être utile de consulter, dans la mesure où ils consignent les enjeux du territoire, et de nombreux contrats sont mis en place, sur lesquels les associations peuvent s’appuyer pour trouver des fonds: contrats de ville, contrats de relance et de transition écologique (CRTE), … 

Quel est le rôle des associations d’élus auprès de leurs adhérents dans l’identification d’initiatives ?

La politique de l’ANPP est de ne pas faire de prosélytisme, elle ne porte pas d’initiatives par elle-même. Elle peut cependant sensibiliser les élus, et a plusieurs chevaux de bataille. Actuellement, elle agit notamment en faveur de l’inclusion numérique, spécialement en milieu rural, et de la sécurité numérique, ainsi que dans les politiques de l’âge, les personnes âgées étant un an de la population très peu pris en compte dans les politiques publiques.

Comment sont connectés les incubateurs aux besoins locaux ?

Les incubateurs se positionnent comme des tiers de confiance entre les différents écosystèmes, en permettant de faire des ponts entre les porteurs de projets, les élus et les collectivités, les autres projets associatifs du territoire, … Ils réalisent en fait tout un travail de facilitation, permettant de sécuriser la démarche d’ancrage territorial des associations.

Comment se sont développées vos structures ? Quand ? Suivant quel modèle de développement ?

PaQ’la Lune

Les quinze premières années de la structure furent le théatre de beaucoup d’évolutions dans les modalités d’intervention, de la proposition de spectacles à une logique plus territorialisée, ancrée dans les quartiers. L’association a construit plusieurs projets à différents endroits, de la résidence avec des artistes et des élus afin de travailler sur un projet dans les écoles et le collège de la commune, à des actions hors les murs à Nantes nord ou la rénovation urbaine dans des appartements inhabités d’un immeuble devant être démoli. Ces diverses expériences ont permis la modélisation de différents types d’activités qui pourraient être dupliquées un peu partout. L’ancrage se fait à présent beaucoup avec les bailleurs sociaux, dans les QPV, en pied d’immeubles. Attention cependant, car plus on travaille avec les communes et les collectivités, plus l’on est dépendant des subventions et des finances publiques, attention donc à ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. 

Un avantage qu’a retiré PaQ’la Lune de son déploiement territorial, est que celui-ci a conduit à la création de responsables territoriaux, qui sont maintenant les interlocuteurs des partenaires locaux. De même des artistes confirmés qui connaissent bien PaQ’la Lune font maintenant la promotion de l’association auprès d’artistes locaux. 

Aussi, un des enjeux du déploiement est de convaincre (et d’être convaincu) que l’on va participer à la dynamisation de l’écosystème local, et que l’on ne va pas juste “envoyer des nantais partout”. De son côté, PaQ’la Lune ne désire pas s’implanter partout en France, pour plusieurs raisons (et notamment climatiques).

ANPP

Il y a également l’enjeu de s’avoir s’adresser à la bonne personne, au bon niveau, qui pourra répondre aux besoins de la structure. Une cartographie qui permettrait de connaître les bons interlocuteurs en fonctions des besoins serait particulièrement utile.

Télémaque 

Le déploiement sera intimement lié à la méthode de l’association, à sa manière d’accompagner ses bénéficiaires. Télémaque accompagnant ses jeunes dans la durée, elle demande à ses financeurs des engagements sur trois ans. La structure préfère également qu’une entreprise soutienne moins de jeunes mais sur une durée pertinente pour eux plutôt que l’inverse, l’association s’engageant moralement à ce qu’une fois le jeune entré dans un parcours de mentorat, celui-ci aille à son terme. Conséquemment à son modèle de déploiement, Télémaque n’a jamais eu à fermer une seule antenne, malgré les coups durs qui peuvent survenir, avec comme exemple la crise de l’aéronautique à Toulouse causée par le Covid. Cela illustre la résilience qu’apporte une bonne préparation. Avec l’expérience, Télémaque a pu modéliser un rythme de croissance, appliqué à toutes ses antennes: la première année, l’antenne suis trente jeunes, soixante la deuxième, et 90 la troisième.

Enfin, il est important de montrer que l’on va être dans une logique de coopération territoriale: il faut avoir une certaine humilité, avoir confiance que l’on a une certaine expertise mais que l’on ne sait pas tout faire, et donc travailler avec telle ou telle association que l’on a pu identifier.

ANPP

Il est important de ne pas rentrer en concurrence avec l’existant, d’autant que les élus connaissent leur écosystème, et ne viendront pas fragiliser l’existant. Plus concrètement, les élus ont aussi tendance à ne pas aimer les anglicismes, ainsi que les acronymes. Il faut en fait avoir une démarche commerciale, et s’adapter à la personne à laquelle on veut faire passer notre message. Attention également, les élus n’ont pas les moyens de prendre des risques et d’accompagner des projets dont ils ne sont pas sûr de l’efficacité.

Ronalpia

La maturité du territoire est aussi très importante: est-ce que l’écosystème est prêt à nous recevoir ? est-ce que l’on pourra avoir une complémentarité avec les acteurs en présence, ou sera-t-on isolé ? 

Comment faire une étude de faisabilité ?

Ronalpia

Il n’y a malheureusement pas de recette magique, cela dépend des territoires. Il faut faire dans la dentelle, aller en profondeur: qualifier et quantifier le territoire, étudier les acteurs en présence, par une cartographie par exemple. Il faut réussir à déterminer en quoi on va pouvoir être complémentaire de l’existant, quels sont les trous dans la raquette que l’on va permettre de boucher. Il faut procéder avec humilité et curiosité, discuter avec les acteurs locaux, pour ne pas être dans une position de sachant, qui ferait atterrir une solution hors-sol. Il est également impératif de faire coïncider moteur stratégique, c’est-à-dire pourquoi on veut adresser un nouveau territoire et quelles opportunités se présentent à nous, et signaux internes: est-ce qu’on a assez de ressources internes, qu’elles quelles soient ? Nos solutions sont-elles assez éprouvées ?

L’incubateur : un bon outil pour l’essaimage ?

Ronalpia a essaimé sur tout le territoire AURA, que ce soit dans l’urbain ou le rural. La structure n’est donc pas hors-sol. Elle propose également des coachs pour les porteurs de projets, qui sont formateurs issus des territoires, donc au fait des problématiques locales.

Quelles relations avoir avec la presse locale ?

ANPP

Il ne faut surtout pas sous-estimer le poids de la presse quotidienne régionale (PQR), qui est parfois plus lue que des journaux nationaux type Le Monde. Ce peut être un des moyens à mobiliser, mais uniquement si l’on répond à une problématique locale, ce ne peut pas être déconnecté du contexte.

Télémaque

Il est très pertinent de lire la presse locale. Même si ce qu’on y trouve à un instant t n’est lié à ce qu’on porte, cela peut éclairer les rendez-vous à venir, la compréhension qu’on a du territoire, de ses problématiques, de ce qu’il s’y passe, etc.

Plus globalement, la manière que l’on a de communiquer importe aussi beaucoup. Télémaque ne fait pas de grandes annonces en fanfare quand elle arrive sur un territoire, et attend plutôt d’être bien implantée. La PQR est un bon moyen de valoriser son action une fois que l’on est bien implanté et que notre action est éprouvée.

ANPP

De nombreux concours sont mis en place pour permettre à diverses initiatives de se développer. Ces concours sont très intéressants, et y aller avec pas seulement la perspective de gagner mais aussi, et surtout, de se faire connaître, est pertinent.

 

Ressources

Intervenant.es :

Florence Massenot : Télémaque

Télémaque est une association spécialisée dans le mentorat des jeunes, de la cinquième à la terminale. Elle propose à ses bénéficiaires un double parcours de mentorat, à la fois à l’école et en entreprise. Télémaque est présente sur sept régions du territoire métropolitain, accompagne plus de 1800 filleul.es (et en a accompagné 2200 depuis sa création), 209 entreprises et collectivités partenaires ainsi que plus de 230 établissements scolaires partenaires.

>> Action labellisée par Bleu Banc Zèbre

Christophe Chauvet : PaQ’la Lune

PaQ’la Lune est une association d’éducation populaire, présente sur le territoire nantais, avec trois antennes situées à Nantes, Angers, et Vannes. Sa philosophie est de permettre un accès plus large à la culture, en sortant des lieux qui lui sont dédiés pour aller à la rencontre des populations qui ne vont précisément pas dans ces lieux. En 2015 l’association décide d’orienter son activité vers les quartiers prioritaires de la ville (QPV), à travers de l’animation de rue, avec des bibliothèques de rue, dans le but de créer un rendez-vous quotidien et de tisser du lien. L’association propose aussi de l’animation de quartier, qui vise à fédérer les acteurs et notamment à travailler sur les 3 temps de l’enfant. À date, l’association est présente sur une quinzaine de QPV.

>> Action labellisée par Bleu Blanc Zèbre

Mickael Restier : ANPP, Territoires de Projets

L’ANPP est une fédération d’élus, et joue trois rôles. Un premier de représentations auprès des pouvoirs publics, en faisant remonter du terrain les problématiques de ses membres. Elle anime également le réseau, à travers des clubs, des webinaires, des commissions, … Enfin, elle propose un accompagnement à ceux de ses membres qui en exprime le besoin, à travers plusieurs services, comme des décryptages thématiques, des aides légales, etc.

Elise Desprez : Ronalpia

L’association Ronalpia a été fondée en 2013 à Lyon, et a pour but d’aider les entreprises à se développer dans la région Auvergne-Rhône-Alpes (AURA), que ce soit sur des territoires urbains, périurbains, ou encore ruraux.